Du mouvement dans (et devant) les prisons

Le 14 mai dernier, une bande armée attaque des fourgons de l’Administration Pénitentiaire au péage d’Incarville dans l’Eure, pour récupérer un prisonnier surnommé « la mouche ». Deux agents du pôle d’extraction judiciaire de Caen ont été tués dans cette attaque (et trois autres blessés). Depuis, les matons et leurs syndicats bloquent partout en France les établissements pénitentiaires pour faire valoir un certain nombre de revendications...

Un texte écrit au soir du 17 mai 2024

Des agents de la pénitentiaire tués en service, ce n’était plus arrivé depuis 1992. Ce 14 mai 2024, c’est au péage d’Incarville dans l’Eure que deux agents sont morts lors du transfert d’un prisonnier entre la maison d’arrêt d’Evreux et le tribunal de Rouen. Celui-ci a été enlevé des mains de l’Administration Pénitentiaire par un groupe armé qui n’a pas fait de détails, et dont les motivations restent pour l’heure inconnues (évasion ou enlèvement, toutes les théories circulent).

Dès l’après-midi, politiciens et éditorialistes se pressent dans les médias pour répandre leur venin et profitent de l’actualité sanglante pour avancer quelques pions idéologiques : « les agents ne sont pas assez armés ! », « ces transferts sont risqués et peuvent être remplacés par des audiences en visio-conférence », « encore une preuve de l’ensauvagement de la société ! », « les petits délinquants sont devenus des narco-terroristes ! »... Et puis rapidement arrivent sur les plateaux les syndicalistes matons ou policiers pour avancer quelques revendications. Tous disent la même chose : le temps est au receuilement MAIS il faudra des réponses. Le ton est donné et on comprend dès cet après-midi là que dans les jours à venir, ça va craindre plus que d’habitude pour toustes les prisonnier-es de France.

Le même jour, Dupont-Moretti le ministre de la Justice se rend au chevet des collègues des matons morts, au Pôle Régional d’Extraction Judiciaire (PREJ) de Caen, un service dédié aux transferts de prisonnier-es. Il promet que le ministère annoncera des mesures prochainement. Pour s’assurer de leur victoire future, les syndicats de matons, Force Ouvrière en tête, appellent au blocage de toutes les prisons dès le lendemain et autant de temps qu’il le faudra pour « être entendus ».

Alors voilà, depuis mercredi, un nombre considérables de taules sont « bloquées » en France. Un blocage par les maton-es, ça signifie des feux de palettes devant la zonz et les caméras de BFM au service des syndicalistes qui encadrent la mobilisation. Mais un blocage, ça veut surtout dire pour les prisonnier-es pas de parloirs, pas de promenades, pas de transferts, pas de douches parfois, etc.. Une situation totale d’incertitude et des conditions de détention extrêmement dures.

A la nouvelle prison de Caen-Ifs, ça dure depuis trois jours, avec la CGT aux manettes, qui promet de poursuivre le mouvement (Olivier Duval, secrétaire local de la CGT pénitentiaire de Caen).

A la prison de Rennes-Vezin, ce vendredi, un prisonnier s’en est pris à un maton, et a été placé en garde-à-vue. D’autres détenus se sont révoltés en chantant « Mort aux hesses (surveillants) » aux fenêtres. Pour les faire taire, les matons les ont aspergés avec une lance à eau, et les ERIS sont intervenus.

A la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, une prisonnière a été retrouvée morte dans sa cellule ce vendredi matin, puis dans l’après-midi, c’est un prisonnier qui a semble-t-il mis fin à ses jours. Depuis mercredi, la prison est bloquée, il n’y pas de parloirs et pas de promenades.

C’est difficile d’avoir des infos, mais ce qui est sûr, c’est que les prisonnier-es n’en peuvent plus de ses restrictions de liberté supplémentaires et que la révolte et le désespoir s’accentuent. Il y a urgence à soutenir toustes les détenu-es, à soutenir leurs révoltes, à entrer en contact avec elleux, à faire savoir ce qui se passe dans les prisons en France, à renforcer les liens entre l’intérieur et l’extérieur.

Quand les blocages vont-ils s’arrêter ? Peut-être quand la matonnerie aura obtenu ce qu’elle réclame (ce qui ne manquera pas d’arriver rapidement) : des armes de gros calibre, des augmentations de salaires, la systématisation des audiences par visioconférence qui limitera les « sorties », de nouveaux véhicules (blindés et banalisés), et sûrement d’autres choses merdiques qu’ils vont sortir du chapeau.

Après ça, un illusoire retour au calme va faire sont apparition, et les conditions de détention vont encore se durcir. Les maton-es ont soif de vengeance... Restons attentif-ves aux luttes des prisonnier-es, soutenons autant que possible depuis le dehors. Crève la taule, vive la liberté !

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